« Poissons rouges et autres bêtes aussi féroces » rassemble des nouvelles qui se présentent sous la forme d’un bestiaire dans lequel le fantastique entraîne moins le lecteur/la lectrice sur les voies du surnaturel, qu’il ne déchiffre les pulsions secrètes et les recoins obscurs du coeur humain. Dans cet autre monde qui s’ouvre, on explore en réalité ce monde-ci, traversé de féroces conflits puissants/pauvres, femmes/hommes, enfants/adultes, racismes, guerres. Mais notre monde y est augmenté de sa face obscure, où l’humour est noir, où les êtres sont hybrides et les frontières poreuses entre l’humain et l’animal, le rêve et la réalité, le moi et l’autre, la vie et la mort. Au sein de ce dispositif, qu’Ella Balaert mène de bout en bout avec brio, la place du langage se veut paradoxale : malgré la nomination patiente des êtres et des choses (dans les nouvelles « L’oie », « Le bernard-l’ermite », « La 6ème amibe », entre autres) il échoue à « ordonner » ce monde. Quoiqu’on en dise, il y reste de l’innommable, facteur de désordre, de chaos, si possible dérangeant et c’est tant mieux, car telle est la vertu de l’art de désordonner, de déranger, de poser au lecteur ou à la lectrice, tel un sphinx, l’énigme à laquelle il lui appartiendra de répondre, librement.

Ed. Des femmes – 08/10/2020

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