Simone Benois était bénévole de Place aux Nouvelles depuis la première édition. Pleine d’énergie, bienveillante et discrète elle participait à chaque édition avec beaucoup d’entrain et d’efficacité.
Simone nous a quitté le 18 avril 2021.

Toute l’équipe de Place aux Nouvelles tient à honorer l’engagement sans faille pour cette manifestation que fut le sien et à retenir d’elle sa grande gentillesse et son dévouement. Simone va nous manquer.

Ayant noué des amitiés avec des autrices et auteurs, Françoise Guerin, fidèle invitée de Place aux Nouvelles, qui était de ceux là, a tenu lui rendre hommage avec ce texte et cette photographie.

Déconfiture
Hommage à Simone Benois

Par Françoise Guérin

– Des confitures dans une bibliothèque ? Mais… Mais pourquoi ?
Ça les étonne, nos visiteurs. Mieux, ça les fascine de trouver d’authentiques pots de confiture parmi les ouvrages qui tapissent les murs de notre maison. Ici, entre Sepulveda et Marcus Malte, un pot de Prune bleue/Vanille/Badiane. C’est écrit sur le couvercle. Là, qui s’immisce entre Aragon et Triolet, le dernier Figue/Orange/Noix… On résiste à l’entamer. Pour combien de temps encore ? Mais c’est au rayon des nouvelles qu’on trouve un nid : quelques jolis pots alignés attendent au voisinage paisible des recueils que s’accomplisse leur semblable destin. Ouvrez-nous ! disent les uns. Dégustez-nous ! supplient les autres. Succombez à la gourmandise des mots et des fruits. Dévorez-nous sans délai, un livre dans une main, une tartine dans l’autre !
Comment désobéir à de telles suppliques ?

Depuis peu, mon cœur se serre. Chaque pot fait surgir l’image de Simone Benois, bénévole de Place aux Nouvelles qui, depuis toujours, m’accueillait à Lauzerte. Elle veillait avec grâce sur les nouvellistes. Sa disparition brutale nous laisse orphelins de son sourire.

Lorsque je suis venue toute timide en 2007, pour présenter mon premier recueil de nouvelles en compétition, il était déjà là, ce sourire. Au Café du Commerce, où se tenait la rencontre, il y avait le sémillant Jacques Griffault en maître de cérémonie, Nicole et notre regretté René, pressés de nous enivrer de bons mots et de vins sirupeux, et toute l’équipe de Place aux Nouvelles. Certains ne sont plus de ce monde mais leurs visages sont gravés dans ma mémoire. Tandis que je parlais, leurs regards de lecteurs étaient comme des caresses.
Au premier rang, il y avait Simone. Qui m’avait lue et bien lue. Devinée, sans doute aussi. Simone qui m’encourageait de son rire. À partir de là, je l’ai retrouvée, chaque année, dans le public de mes lectures en plein air.

C’est toujours une chance, dans l’existence, de rencontrer des personnes profondément bienveillantes. Simone en était. À chacun de mes passages à Lauzerte, elle m’attendait sur la place des Cornières. Nous nous faisions la bise (à l’époque, on pouvait encore) puis elle me donnait des nouvelles de tout le monde. Jamais le moindre jugement, elle se tenait à l’écart des histoires. Pourtant, elle les aimait, les histoires, celles des nouveaux recueils en compétition pour le prix Place aux Nouvelles. Elle les lisait tous !

Avec Simone, nous parlions lectures et jardins. Un jour, elle m’a fait visiter le sien, foisonnant de fruits, avant de me conduire dans sa cuisine. Là, sous mes yeux ébahis, elle a sorti sa casserole préférée et son écumoire. Et elle a mimé pour moi la cuisson des abricots… C’était un moment d’une délicatesse inouïe comme l’écriture permet d’en vivre parfois.
« Et quand la peau commence à devenir transparente, vous retirez les abricots comme ça et vous laissez le sirop épaissir encore un peu sans cesser de remuer. À la fin, vous remettez les fruits pour un dernier tour de piste. »
J’ai compris qu’en toute chose, il fallait soigner la chute. Et qu’elle faisait acte, pour moi, de transmission.

Simone Benois n’écrivait pas de livre mais elle était l’auteure de marmelades audacieuses. Kiwi/Banane/Orange ou Melon/Amandes effilées faisaient partie de ses créations. Mais son best-seller, sans aucun doute, était Figue/Orange/Noix. Je ne repartais jamais de Lauzerte sans un carton de ses œuvres.

Entre deux festivals, il nous arrivait de poursuivre nos conversations au téléphone. Elle était bavarde, ce dont elle s’excusait toujours : « Je ne vais pas vous prendre votre temps ! » répétait-elle comme si elle n’était pas, précisément, occupée à me donner du sien. Nous échangions parfois des cartes et des lettres. J’aurais trouvé plus simple d’utiliser le mail mais elle tenait à cette correspondance bien concrète. Aujourd’hui, je suis heureuse de ce temps passé à s’écrire de vraies lettres sur du vrai papier choisi avec soin.

Depuis mon premier passage à Lauzerte, j’en suis intimement convaincue : mon écriture tient à ces rencontres que permettent, dans l’ombre des festivals, des dizaines de bénévoles dont on ne retient guère le nom. Pourtant, ils sont là, tout au long de l’année, pour prévoir et organiser. C’est leur désir qui fait tenir les choses. Les abricots ne se précipitent jamais dans les pots pour faire confiture. Il y faut du désir, des mains, de la patience et beaucoup de cet amour discret et tenace qui tisse l’étoffe d’une existence. Place aux Nouvelles n’existe que par ce désir, le même qui nous fait écrire et déplacer nos corps fourbus de mots jusqu’à nos lecteurs. Merci à tous ces bénévoles, artisans de littérature.

Simone Benois avait une règle : « Pas trop de fruits à la fois dans le chaudron ! » Je crois qu’elle aurait pu écrire des nouvelles…

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