Dix-sept nouvelles, donc, proches et même parentes de celles de Trouvé dans une poche (2005) et de Le Cas Perenfeld (2014). Bien que « Trois fenêtres » n’en soit pas une à proprement parler, j’ai choisi de l’inclure dans ce recueil parce qu’elle contient les autres en germe et que cet état latent leur donne rétrospectivement une couleur différente, en quelque sorte par diffraction, comme si à son contact et même seulement à son voisinage, les seize nouvelles en bonne et due forme s’en trouvaient déviées et conduites obliquement vers un destin qui dévoile, mais seulement à distance, leur fidélité aux trois fenêtres. « Trois fenêtres », nouvelle par abus de langage, les apaise et les dirige en même temps qu’elle leur fait don d’une sincérité amusée. Les dates de publication et l’ordre chronologique de leur composition sont, comme il se doit, fantaisistes. Le hasard, l’incurie, la paresse et les aléas de l’édition ont fait que les plus anciennes ont souvent été publiées en dernier. On pourrait peut-être dégager des lois de l’enchaînement, mais peu importe. Ce qui compte est qu’il y a des affinités, des concordances, des incestes. Les contempteurs de toutes sortes voyagent de l’une à l’autre. S’ils changent ainsi de domicile avec tant de facilité, souvent sans y prêter attention, c’est que ces nouvelles ne sont pas si différentes les unes des autres et que la stupeur immatérielle à les voir s’interpeller et se répondre avec autant d’aisance est factice. Quelque chose nous cache le fait que les histoires qu’elle racontent ont une vie parallèle et secrète. C’est pourtant la même chose que nous retrouvons à chaque fois, la même jalousie, la même erreur, le même regret, le même amour déformés par les changement de temps, de lieu et de décor. Car l’erreur et l’amour sont uniques, de même la jalousie et tout le reste avec. L’oeuvre utile et néfaste de l’oubli donne une explication à nos déconvenues, met de l’intelligence dans la douleur pour qu’elle disparaisse, démultiplie ce qui est le seul de son espèce. Le rôle de ces textes est de remonter à contre-courant, de contrarier le travail de l’intellect et de réveiller ce que la réflexion, en infirmière bienveillante, avait tenté de diminuer. D’où les efforts ininterrompus du narrateur de « Coups de feu et pommes de terre » pour rester fidèle à cette contradiction : la survivance de la tendresse sans faille face à son effacement mécanique et répétitif.

Ed. Pierre-guillaume De Roux – 08/03/2018

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